Le monde de la voile cultive un paradoxe en lien avec l’assurance : Les organismes d’assurance sont nombreux à utiliser les spis ou autres voiles pour y afficher leur logo ou pour communiquer sur leurs valeurs ; et, dans le même temps, peu d’acteur de l’assurance français acceptent de couvrir les bateaux de course au large contre des risques de dommage et de perte totale.
La voile, un support de communication prisé par les organismes d’assurance
Lors du départ de la dernière Transat Jacques Vabre, plusieurs voiliers, tous en classe IMOCA (*), portaient les couleurs d’organismes d’assurance : le bateau APIVIA avec Charlie Dalin et Paul Meilhat, le bateau CORUM EPARGNE avec Nicolas Troussel et Sébastien Josse, le bateau du groupe APICIL avec Damien Seguin et Benjamin Dutreux ou encore celui de MACSF avec Isabelle Joschke et Fabien Delahaye.
L’engagement de la MACIF dans le monde de la course au large est également reconnu avec plusieurs embarcations en classe FIGARO (classe non présente dans la transat Jacques Vabre) et indirectement avec l’IMOCA APIVIA (APIVIA faisant partie du groupe MACIF). Par le passé , ils avaient également connu des victoires en classe IMOCA dont celle de François Gabart sur le Vendée Globe en janvier 2013. Le skipper, maintenant basé à Concarneau (oh, la jolie ville bleue !) participe d’ailleurs également à la Transat Jacques Vabre sur son trimaran portant les couleurs bleues de SVR-Lazartigue.
Dans la classe FIGARO, on retrouve aussi régulièrement des partenariats avec des entreprises du monde de l’assurance. Sur la dernière Solitaire du Figaro, il y avait notamment le courtier April Marine, positionnement assez logique à la vue de leur business (partenaire de Pep Costa – Cybèle Vacances Team Play-to-B) et Mutuelle Bleue en lien avec l’institut Curie (partenaire de Corentin Horeau).
Un marché de niche non exploité par les acteurs français
Pour participer aux courses, les organisateurs obligent les marins à souscrire une assurance responsabilité civile. Cette dernière permet de couvrir contre les dommages causés à autrui (par exemple si un tiers est blessé par le bateau). Mais ils n’obligent pas les marins à souscrire un contrat d’assurance dommage ou perte totale. C’est ainsi que des concurrents prennent le départ sans être couvert (ce serait le cas par exemple de Kevin Escoffier lors du Vendée Globe au cours duquel son bateau a coulé).
Plusieurs raisons expliquent que les marins ne s’assurent pas contre des dommages ou une perte totale. La principale est bien entendu le prix. Les budgets d’un skipper et de son équipe sont souvent serrés et se passer d’un coût supplémentaire n’est pas négligeable. Ce cout est de 5% à 20% de la valeur du bateau, suivant l’ancienneté du bateau, le niveau des franchises, l’expérience du skipper ou encore la classe. Et cela est d’autant plus vrai que dans la plupart des contrats proposés, les foils, le mat et les voiles sont exclus du contrat et ne sont donc pas assurés. Les marins savent naviguer mais également compter. Bien souvent, ils jugent que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Pour les équipes plus à l’aise financièrement, la question de l’assurance dommage et perte totale se pose également. Il est actuellement difficile pour des bateaux hors norme comme les ultimes de trouver un assureur. Il est vrai que le manque de candidat à assurer nuit à la mutualisation des risques. Combien faudrait-il de class40 pour permettre de mutualiser un ultime à 10-15 M€ ? La course au large est un marché de niche pour un assureur et les enjeux financiers peuvent s’avérer importants (même s’ils sont sans doute sans aucune mesure avec des risques industriels pour autant) . Cela explique certainement pourquoi il n’y a que très peu d’acteur sur le marché, ne laissant finalement que peu de place à la concurrence. Le niveau des primes d’assurance en est ainsi impacté. Tout comme les niveaux de franchise, relativement important. Les primes sont d’ailleurs en hausse ces dernières années, malgré le fait d’une l’amélioration de la sécurité, pilotée notamment par la gouvernance des classes, et le fait d’une prise de conscience des organisateurs . Ces derniers n’hésitent d’ailleurs plus à différer le départ si les conditions météos sont jugées trop dures. Ils ont certainement toujours en tête la sinistralité « Route du Rhum 2002 » (seuls 3 multicoques sur 18 partants sont arrivés à l’arrivée). Sinistralité certainement encore présente dans la tête des organismes d’assurance également…
Brise marine
La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe
Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
Sur le vide papier que la blancheur défend
Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
Lève l’ancre pour une exotique nature !
Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !
Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1893
(*) Les bateaux sont regroupés dans des classes. Chaque classe regroupe des voiliers ayant les mêmes caractéristiques. Sur la dernière Transat Jacques Vabre, on compte 4 classes que sont : la classe des Ultimes, la classe des Océan Fifty, la classe IMOCA et la class40. A cela, on peut ajouter deux autres classes, les FIGARO (ils participent à la solitaire du figaro) et la classe mini. Toutes ces classes ont une gouvernance propre qui a pour but d’échanger sur les problématiques rencontrées et les évolutions à apporter (notamment dans le domaine de la sécurité).
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