À l’hôpital de Taravao, sur la presqu’île de Tahiti, une équipe de trois spécialistes ont lancé un programme d’éducation thérapeutique pour les personnes en situation d’obésité. Un dispositif accessible sur ordonnance, financé entièrement par le pays.
À quelques minutes en voiture du spot de Teahupoo, qui accueille les plus grands surfeurs de la planète dans le cadre des Jeux olympiques, à l’hôpital de Taravao, on travaille sur un tout autre sujet. Cet établissement de santé, le deuxième après celui de Papeete, est le seul sur la presqu’île de Tahiti.
En Polynésie française, plus de 70% des adultes sont en surpoids et 40% de la population est obèse, c’est l’un des taux parmi les plus élevés au monde. Un chiffre aggravé par l’influence chinoise et américaine sur l’île, ainsi que sur un patrimoine génétique propice au développement de cette maladie.
Face à ce constat, un programme d’éducation thérapeutique pour les personnes en situation d’obésité entièrement financé par le pays a été lancé ici. Depuis plus d’un an, Coralie Antoniou, infirmière coordinatrice du programme, oeuvre pour les malades, à l’hôpital, aux côtés d’une diététicienne et d’un éducateur sportif. « Il devrait y voir un psychologue en plus, mais pour le moment, on n’a pas de candidat, déplore la spécialiste. Pourtant, c’est très important pour nos patients d’avoir ce suivi, car l’obésité peut venir de situations de violence, d’inceste, faire perdre confiance en soit… »
Un dispositif sur ordonnance
C’est donc à trois qu’ils ont accompagné 67 bénéficiaires du programme la première année, et qu’ils viennent de se lancer dans une deuxième année qu’ils ont adaptée. Pour intégrer le dispositif de six mois, le patient doit avoir une ordonnance du médecin, lui permettant de bénéficier d’un accompagnement diététique, infirmier et sportif, payé par le pays, et donc gratuit pour lui. Il faut aussi avoir au moins 16 ans, habiter la presqu’île de Tahiti, avoir un IMC supérieur à 30, c’est-à-dire être en situation d’obésité, et être disponible sur toute la durée.
Lors de la prise en charge, un premier point est effectué avec l’équipe pour comprendre les besoins spécifiques de chacun. Cela aboutit à la création d’objectifs que le patient devra atteindre lors du programme. Des séances d’activité collectives et des ateliers diététiques sont alors mises en place. « Notre rôle, c’est l’éducation, on leur fait mieux comprendre leur maladie, affirme Coralie Antoniou. L’objectif est de rendre le patient autonome ensuite, en lui faisant prendre conscience de l’importance de bouger. On travaille aussi sur la sédentarité, pour renforcer les connaissances dans le domaine car on a souvent affaire à des patients qui ont un bas niveau de connaissances sur la question. » En parallèle, des ateliers infirmiers sont organisés. « On parle des causes de l’obésité, de la balance énergétique, des facteurs de risque, on fait des ateliers sur le stress et le sommeil, sur leurs motivations, sur leurs priorités comme arrêter le tabac, réduire le stress, améliorer son alimentation, etc. »
« Il y a une volonté politique derrière… »
Un bilan à mi-parcours puis un second à la fin du programme sont organisés pour évaluer l’impact sur le patient. « On voit aussi si la personne a encore besoin d’être accompagnée, si oui, on l’intègre dans un cycle de renforcement de trois mois », ajoute l’infirmière. Des consultations de suivi se font tous les trois mois à deux reprises, poussant donc la prise en charge totale sur un an.
LIRE AUSSI. Allianz assureur des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, dans les coulisses d’un contrat XXL
Un travail colossal pour la petite équipe de l’hôpital, qui doit se battre chaque année pour être financée. « C’est décourageant… Je salue la volonté de faire ce programme, mais on est beaucoup d’acteurs de terrain à se bouger et essayer de faire comprendre conscience, on doit se battre pour pouvoir continuer à être fiancé chaque année, même si c’est un programme donné sur quatre ans, déplore Coralie Antoniou, démunie. Ça ne dépend pas de nous, il y a une volonté politique derrière… »
64% ont une meilleure perception de leur santé
Pourtant, les résultats sont là, alors que la deuxième année vient d’être lancée au mois de juin. « C’est très positif, on voit que tout ce qui est mis en place est justifié et que les patients sont investis. » En l’espace de six mois, 60% des personnes accompagnées ont amélioré leur poids, et 64% ont une meilleure perception de leur santé. « Ça correspond à ceux qui mettent en place des actions dès l’entrée dans le programme. » Lors de la première année, la moyenne d’âge des patients a été établie à 50 ans.
En Polynésie française, le chemin vers la diminution du taux d’obésité est encore long. Il passe surtout par l’éducation, « le nerf de la guerre ». Sur le territoire, un label « école de santé » a été créé et adopté par certaines communes. Il vise à promouvoir la santé à l’école en agissant sur les déterminants de santé accessibles à l’école primaire et en développant les compétences psycho-sociales des élèves à travers des actions. Une sensibilisation primordiale dès le plus jeune âge, les enfants étant aussi touchés par l’obésité infantile.
Partagez :